La Vie en Christ, II, 75s (trad. cf SC 355, p. 203)

Il y a pour nous deux façons de connaître les objets : la connaissance que l’on peut recevoir par ouï-dire, et puis celle que l’on peut acquérir par soi-même.

Par la première, nous n’atteignons pas l’objet lui-même, mais nous le percevons par les mots, comme en une image…; au contraire, faire l’expérience des objets, c’est les rencontrer eux-mêmes. Dans la seconde sorte de connaissance, la forme de l’objet saisit l’âme et éveille le désir comme une trace à la mesure de sa beauté…

De même, lorsque notre amour pour le Sauveur ne produit rien de nouveau ni d’extraordinaire, il est évident que nous n’avons eu affaire qu’à des paroles entendues à son sujet. Comment par ouï-dire pourrions-nous connaître comme il le mérite celui à qui rien ne ressemble…, celui à qui rien ne peut être comparé et qui ne peut être comparé à rien ? Comment pourrions-nous connaître sa beauté et l’aimer à la mesure de sa beauté ?

Mais quand des hommes éprouvent un vif désir de l’aimer, une envie de faire pour lui des choses qui surpassent la nature humaine, alors c’est l’Epoux lui-même qui les a blessés. Il a ouvert leurs yeux à sa beauté. La profondeur de la blessure témoigne que la flèche a frappé juste ; l’ardeur de leur désir révèle qui les a blessés. Voilà comment la nouvelle Alliance est différente de l’Ancienne : jadis c’était une parole qui éduquait les hommes ; aujourd’hui c’est le Christ présent en personne qui, d’une manière indicible, prépare et modèle les âmes des hommes.

Si l’enseignement de la Loi avait suffi pour mener l’homme à sa fin, les actes aussi extraordinaires qu’un Dieu devenu homme, crucifié et qui meurt n’auraient pas été nécessaires. Cela est vrai aussi des apôtres, nos pères dans la foi. Ils avaient entendu l’enseignement du Sauveur, les paroles de sa bouche ; ils avaient vu ses miracles et tout ce qu’il avait supporté pour les hommes, l’avaient vu mourir, ressusciter et regagner le ciel. Tout cela, ils le savaient, mais ils n’ont rien montré de nouveau, de généreux, de vraiment spirituel, jusqu’à ce qu’ils soient baptisés dans l’Esprit Saint…

Alors seulement, le vrai désir du Christ a été allumé en eux et par eux dans les autres.