La Philocalie – Desclée de Brouwer / J. – C. Lattès, p. 597
12- Il faut aussi savoir qu’il n’est pas possible de parvenir à la mesure d’une telle vertu si l’on ne cherche pas surtout, durant toute sa vie, autant qu’on le peut, à se donner de la peine pour l’acquérir par une sollicitude active: par exemple pour la compassion, ou la tempérance, ou la prière, ou la charité, ou l’une des vertus générales. C’est à partir de celles-ci, en effet, que chacun poursuit partiellement la vertu.
Ainsi, quelqu’un a exercé la compassion à certains moments, mais parce qu’il l’a rarement exercée, nous ne dirons pas qu’il était à proprement parler compatissant, et singulièrement quand le geste n’est pas fait comme il faut et pour plaire à Dieu. Car le bien n’est pas bien lorsqu’il n’est pas fait comme il faut. Mais le bien est vrai s’il ne reçoit pas comme son dû un salaire pour ceci ou pour cela, et s’il ne cherche pas à plaire aux hommes et à connaître la gloire par les voies de la renommée de la violence, de la cupidité, ou de l’injustice. Car ce que Dieu recherche, ce ne sont pas les biens qui se font et semblent se faire, mais le but pour lequel ils se font.
Les Pères théophores le disent aussi: quand l’intelligence oublie le but de la piété, alors l’œuvre manifeste de la vertu devient vaine. Les gestes qui se font sans discernement et sans but, non seulement ne servent à rien, mais ils nuisent, même s’ils sont des biens. A l’inverse, des gestes apparemment marqués par le mal peuvent être faits selon Dieu, en vue de la piété, comme le geste de celui qui est entré dans un mauvais lieu et qui a enlevé la prostituée à la perdition.
D’où il est clair que n’est pas compatissant celui qui exerce rarement la compassion, et que n’est pas tempérant celui qui, de même, pratique peu la tempérance. Mais est vertueux celui qui, longtemps, durant toute sa vie, a recherché en tout et pour tout la vertu, avec un discernement sûr.
Car le discernement est la plus grande de toutes les vertus: il est la reine des vertus, la vertu des vertus.
Ainsi, également, en sens inverse, nous ne disons pas prostitué, ivrogne ou menteur, celui qui s’est laissé aller une fois à l’un de ces vices, mais celui qui y tombe souvent et demeure incorrigible.
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