Sermon 58 (71), le 20e sur la Passion (trad. cf coll. Icthus v.10, p. 284 et SC 74, p. 252)

Ne soyons pas pris par le spectacle des choses de ce monde ; que les biens de la terre ne détournent pas nos regards du ciel. Tenons pour dépassé ce qui n’est déjà presque plus rien ; que notre esprit, attaché à ce qui doit demeurer, fixe son désir aux promesses d’éternité. Bien que nous ne sommes encore « sauvés qu’en espérance » (Rm 8,24), bien que nous portions encore une chair sujette à la corruption et à la mort, on peut bien affirmer pourtant que nous vivons hors de la chair, si nous échappons à l’emprise de ses passions. Non, nous ne méritons plus le nom de cette chair dont nous avons fait taire les appels…

Que le peuple de Dieu donc prenne conscience qu’il est « une créature nouvelle dans le Christ » (2Co 5,17). Qu’il comprenne bien qui l’a choisi, et qui il a lui-même choisi. Que l’être nouveau ne retourne pas à l’inconstance de son état ancien. Que « celui qui a mis la main à la charrue » (Lc 9,62) ne cesse de travailler, qu’il veille au grain qu’il a semé, qu’il ne se retourne pas vers ce qu’il a abandonné. Que personne ne retombe dans la déchéance d’où il s’est relevé. Et si, parce que la chair est faible, quelqu’un gît encore dans une de ses maladies, qu’il prenne la ferme résolution de guérir et de s’en relever. Telle est la voie du salut ; telle est la manière d’imiter la résurrection commencée dans le Christ… Que nos pas quittent les sables mouvants pour marcher sur la terre ferme, car il est écrit : « Le Seigneur mène les pas de l’homme et sa marche lui plaît. Quand le juste vient à tomber, il ne reste pas à terre, car le Seigneur lui tient la main » (Ps 36,23s).

Frères bien-aimés, gardez bien ces réflexions à l’esprit, non seulement pour célébrer les fêtes de Pâques, mais pour sanctifier toute votre vie.