La Philocalie–Desclée de Brouwer/J.–C. Lattès, t.2 – p. 818-819

Sache que nul ne peut maîtriser de lui-même l’intelligence, s’il n’est pas maîtrisé par la grâce du Saint-Esprit. Car l’intelligence ne se laisse pas maîtriser, non par nature, puisqu’elle est toujours en mouvement et qu’elle ne peut naturellement pas s’arrêter, mais parce qu’elle s’est dissipée dans sa négligence, en se dispersant ici et là dès l’origine.

Car, en transgressant les commandements de Dieu, nous nous éloignons de lui, nous nous séparons de lui, et donc nous perdons le sens de l’intelligence, nous ne savons plus quand nous sommes avec Dieu et quand nous sommes coupés de lui. Dès lors notre intelligence, détachée de Dieu, est tirée de tous les côtés, comme asservie. C’est pourquoi elle ne se laisse maîtriser et ne peut demeurer en repos autrement qu’en s’en remettant de nouveau à Dieu, en se soumettant tout entière à ses commandements, en le priant souvent et en lui confiant chaque jour nos fautes.

Or nous sommes en faute à toute heure. Mais lui nous pardonne sur le champ, si nous le prions avec humilité et contrition du cœur et si nous invoquons toujours son saint nom. Lorsqu’elle approche Dieu de cette manière et qu’elle le rencontre ainsi avec beaucoup de joie, alors l’intelligence peut être maîtrisée par Dieu et ne plus se disperser dans tous les sens. Le souffle de la respiration, quand nous le retenons avec la bouche, maîtrise lui aussi naturellement l’intelligence.   

Cependant, l’intelligence ne demeure pas ainsi bien longtemps, et elle se disperse à nouveau. Mais quand la prière est à l’œuvre dans le cœur, c’est elle qui garde avec elle l’intelligence, qui la réjouit, et qui l’empêche de se disperser. Il arrive pourtant qu’au moment où l’intelligence se tient dans le cœur et prie, la pensée s’égare et s’occupe d’autres choses. Seuls maîtrisent la pensée ceux qui sont parfaits dans le Seigneur, ceux qui, dans le Christ Jésus, sont parvenus à cette grâce, quand leur intelligence ne se disperse plus et n’est plus jamais séparée de Dieu.