Correspondance – Éditions de Solesmes

211 – Un jour, l’un des Pères, prêtre, qui s’était beaucoup fatigué dans les déserts et qui voulait finalement vivre dans la retraite au monastère, demanda au Vieillard (Saint Jean de Gaza) comment il fallait commencer cette vie de retraite. Il reçut cette réponse:

Jean Baptiste a dit à notre Maître, le Christ-Dieu: « C’est moi qui ai besoin d’être baptisé par Toi, et c’est Toi qui viens à moi? » (Mt.3,14). Cependant ta charité a bien fait de nous donner une leçon d’humilité, pour qu’ainsi nous soyons remplis de confusion et que nous disions nos passions. « Car sans contredit c’est l’inférieur qui est béni par le supérieur » (He.7,7). C’est donc toi qui dois me soigner, car toi, tu es prêtre, ministre sacré de Dieu et médecin spirituel, celui qui est appelé à oindre d’huile les malades, qui les guérit de leur maladie corporelle, tout en leur accordant avec l’onction la rémission des péchés (Jc.5,14-15).

Moi donc, qui n’ai pas été admis dans la cléricature à cause de mon indignité et parce que l’éclat de mes cheveux blancs ne m’empêche pas d’avoir des pensées puériles, comment puis-je conseiller celui qui est plus grand que moi? Si en effet l’homme qui m’interroge était au-dessous de moi, ma faconde ne m’aurait pas laissé tranquille sans lui répondre, car j’ai la langue incoercible. Et je lui aurais dit qu’un enfant, à partir des premiers rudiments, progresse vers les connaissances supérieures. N’aurait-il pas dû répondre: « Oui, c’est bien celà » ? Et tout ce que j’aurais pensé avoir à lui dire, je le lui aurais dit. Donc, toi aussi, vis dans la retraite cinq jours par semaine et en relation avec les frères les deux autres jours. Et si ton séjour en cellule est selon Dieu, c’est à dire si tu sais ce que tu veux en y restant, tu ne tomberas pas aux mains du démon de la vaine gloire. En effet celui qui sait ce qu’il est venu faire dans la ville, veut cela, et il ne détourne pas son coeur vers autre chose, car il oublierait alors l’affaire en question. Pardonne-moi, Père, de n’avoir pas autre chose à te dire, mais prie pour moi dans le Seigneur, car je n’ai ni oeuvre ni parole.