Sermon 78 ; PL 52, 420 (trad. coll. Icthus, t. 10, p. 267 rev.)
Après sa Passion dont le tumulte a surpris la terre, effrayé le ciel, étonné les siècles et désolé l’enfer, le Seigneur vient au bord de la mer et il aperçoit ses disciples errant en pleine nuit, sur les flots obscurs. Le soleil a fui : ni la lueur de la lune ni les étoiles ne sauraient calmer l’angoisse de cette nuit… « Comme le jour venait, dit l’Évangile, Jésus parut sur le rivage, mais les disciples ne savaient pas que c’était Jésus.» Toute la création a fui l’outrage infligé à son Créateur…: la terre voit ses fondements se dérober sous elle et tremble, le soleil disparaît pour ne pas voir, le jour se retire pour ne point être là, les pierres, en dépit de leur dureté, se fendent… L’enfer voit pénétrer en son sein le Juge lui-même ; vaincu, il lâche ses captifs dans un cri de douleur (Mt 27,45-52)…
Le monde tout entier était jeté dans la confusion et ne doutait pas que la mort du Créateur ne l’ait replongé dans les ténèbres primordiales et dans l’antique chaos (Gn 1,2). Mais soudain, dans la lumière de sa résurrection, le Seigneur ramène le jour et rend au monde son visage familier. Il vient ressusciter avec lui et dans sa gloire tous les êtres qu’il a vus si tristement abattus… « Comme le jour venait, Jésus parut sur le rivage. »
C’est d’abord pour ramener son Église…à la fermeté de la foi. Il a trouvé ses disciples privés de foi, dépossédés de leur force d’homme… Il y a là Pierre, qui l’a renié, Thomas qui a douté, Jean qui a fui ; c’est pourquoi il ne leur parle pas comme à de vaillants soldats mais comme à des enfants apeurés…: « Enfants, n’avez-vous rien à manger ? » Ainsi son humanité les rappellera à la grâce, le pain à la confiance, la nourriture à la foi. Ils ne croiraient pas en effet qu’il est ressuscité avec son corps à moins de le voir se plier aux exigences de la vie, et manger.
Voilà pourquoi celui qui est l’abondance de tous les biens demande à se nourrir. Il mange lui-même le pain, car il a faim, non d’aliments mais de l’amour des siens : « Enfants, n’avez-vous rien à manger ? Ils lui répondent: non ». Que possédaient-ils, eux qui n’avaient pas le Christ –- quoiqu’il se tienne au milieu d’eux –- et ne voyaient pas encore le Seigneur –- quoiqu’il ait paru devant eux ? « Il leur dit : Jetez le filet à droite de la barque et vous trouverez. »
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