Hymne 53, SC 196 (Hymnes 41-58; trad. J. Paramelle, s.j. et L. Neyrand, s.j.; Éds Le Cerf 1973, p.213s; rev.)

Vois, ô Christ, mon angoisse,

vois mon manque de courage,

vois mon manque de force,

vois aussi ma pauvreté,

vois ma faiblesse,

et de moi, ô Verbe, aie pitié !

Brille sur moi maintenant comme jadis,

et éclaire mon âme, illumine mes yeux

pour te voir, lumière du monde (Jn 8,12),

toi la joie, le bonheur,

la vie éternelle,

les délices des anges,

toi, le Royaume des cieux

et le Paradis,

la couronne des justes,

leur Juge et leur Roi.

Pourquoi caches-tu ton visage ?

Pourquoi t’éloignes-tu de moi, toi mon Dieu,

qui ne veux jamais t’éloigner

de ceux qui t’aiment ?

Pourquoi me fuir, pourquoi me brûler,

pourquoi me blesser et m’écraser ?

Tu sais que je t’aime

et que de toute mon âme je te cherche.

Révèle-toi, selon ta parole (…).

Ouvre-moi à deux battants

la salle des noces, mon Dieu ;

oui, ne me ferme pas la porte

de ta lumière, ô mon Christ !

« —Est-ce que tu t’imagines, fils des hommes,

me forcer, avec tes paroles ?

Qu’est-ce que tu racontes, insensé :

que je cache mon visage ?

Est-ce que tu me soupçonnes tant soit peu

de fermer portes et vantaux ?

Est-ce que tu te figures

que je m’éloigne jamais de toi ?

Qu’est-ce que tu as dit :

moi, vraiment, t’enflammer, te brûler et t’écraser ?

Tes paroles, certes, ne sont pas justes,

et cette idée non plus n’est pas juste.

Écoute plutôt les paroles

que moi je vais te dire :

j’étais lumière, avant même d’avoir créé

toutes les choses que tu vois.

Partout je suis, partout j’étais,

et, ayant créé toute la création,

je suis partout et en tout (…).

Considère mes bienfaits,

regarde mes desseins,

apprends quels sont mes dons !

Je me suis manifesté au monde

et j’ai manifesté mon Père,

j’ai répandu en abondance

mon Esprit très saint,

réellement, sur toute chair.

J’ai révélé mon nom

à tous les hommes,

et par mes œuvres, que je suis créateur,

que je suis l’auteur du monde.

Je l’ai montré et maintenant je montre

tout ce qu’il fallait faire. »